Une semaine. C'est tout. Mais je reviens de loin. Je ne sais plus très bien où j'en étais avant. Les villes sont déformées, les gens, les bruits, les odeurs, tout.
J'ai les mains pleines de tout ce qu'ils m'ont donné, les mains qui débordent de choses dont je ne sais que faire.
Alors voilà, j'ai l'impression que l'été s'achève déjà et sur une note amère. Je n'arrive pas à pleurer, à laisser couler tout ça, tous ces sourires, tous ces mots, ces idées de liberté.
Alors voilà, je vais aller à la fac bientôt, faire du théâtre, alors que je voudrais être avec eux, être libre, dormir à six dans vingt mètres carré, apprendre les sciences, apprendre à reconnaître les oiseaux et les champignons, apprendre comment marche le monde, comment poussent les plantes et le bonheur, et comment finalement on se jette à l'eau sans se défiler, comment on accepte de devenir quelqu'un à part entière, soi seul. La science, la médecine, l'enseignement, le vélo. La liberté, l'anarchisme foutraque, les apéros, les étoiles, les verbes mal conjugués, la beauté.
Ils disent comme ça dans les livres, "avant, je me souviens, j'avais des convictions". Et moi je vais apprendre, essayer d'apprendre. Ca serait tellement plus simple d'en avoir des toutes prêtes, des convictions.
J'ai reçu tant de choses, je me sens prête à exploser. Ca me déchire, me donne envie de hurler à chaque fois que tout s'écroule, que s'ouvrent de nouvelles voies, de nouvelles incertitudes, alors que je voudrais restreindre, enfin savoir que la ligne est là, qu'il n'y a plus qu'à la suivre, à tirer sur le fil, avec toute ma force, mon énergie enfin rassemblée.
Je voudrais revenir dans ces endroits où finalement je ne retournerai sûrement jamais, voir à nouveau ces sourires, cette beauté, tout ce à quoi je peine à m'arracher, mais je ne reste pas, c'est comme ça.
Alors je vais aller faire du théâtre, essayer de le faire bien, du mieux que je peux. C'est déjà ça.
J'ai compris beaucoup de choses et je suis encore plus perdue.
Pas facile de s'obstiner à la poursuivre, la liberté.
Jonathan m'a demandé en quoi je croyais.
Les sourires transcendés.
Depuis 1966, il a avalé, outre l'avion,
18 bicyclettes, 15 caddies de supermarché,
7 téléviseurs, 6 chandeliers,
2 lits, une paire de skis,
un ordinateur ainsi que 400 mètres de chaîne.
Si, si...
